vendredi 1 février 2013

la décision



Ce très beau roman d'Isabelle Pandazopoulos s'ouvre sur un cours de maths de Terminale S.  Louise est prise d'un malaise et de maux de ventre. Samuel, le délégué, l'accompagne aux toilettes. Le temps de fumer une cigarette, Samuel réalise que Louise n'est toujours pas sortie des toilettes. Elle ne répond plus, du sang s'écoule. Samuel alerte le directeur, les secours arrivent…Louise est conduite à l'hôpital. Elle a donné naissance à un petit garçon. A son réveil, elle ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Elle n'a jamais pris conscience de sa grossesse et pour cause, elle affirme n'avoir jamais eu de rapports sexuels.
L'auteur a eu la très belle idée d'alterner les narrateurs et donc de multiplier les points de vue : la mère de Louise, l'assistante sociale, la psychologue, Samuel etc… Et bien sûr, la plus bouleversante, Louise. Sa voix exprime d'abord une grande confusion de sensations, de sentiments… et Isabelle Pandazopoulos a un talent remarquable pour se mettre dans la tête (et le corps) de cette jeune fille et décrire avec finesse et subtilité ce qu'elle peut ressentir après ce choc dévastateur. Au fil du roman, les sensations évoluent, sa canalisent. La réflexion, l'analyse viennent progressivement se subsituer à l'émotion pure dans la tête de la jeune fille.
L'auteur explore le déni de grossesse, puis celui de l'enfant. Louise nie son bébé, refuse son existence. Puis, peu à peu, elle prend conscience de l'existence de ce petit garçon, l'approche, le nomme, le regarde, le touche... Cela bouleverse ses rapports à ses propres parents, à son jeune frère. Encore enfant, elle devient mère. Elle ne sait plus où est sa place.
A la psychologie de Louise, passionnante à partager, Isabelle Pandazopoulos ajoute une part de "suspens" : comment Louise s'est-elle retrouvée enceinte ? C'est Samuel, le délégué, le bon élève, le "petit" avec ses deux ans d'avance qui veut comprendre. Dans le groupe de copains de Louise (Thibault, Stan, Romain, Marius…) il était sans doute le moins proche d'elle, mais il est obséedé par cette quête de la vérité. Elle dresse aussi de beaux portraits de jeunes filles que Louise rencontre au Centre Maternel. De très jeunes mamans issus de milieux sociaux défavorisés, sans attache familiales. L'occasion de souligner que Louise, dans son malheur, a les ressources matérielles mais aussi morales et psychologiques pour surmonter cette épreuve. L'auteur aborde donc d'autres sujets, mais elle ne cède jamais à la facilité de déplacer l'enjeu de son livre ailleurs que dans la question de ce que ressent Louise et de l'évoulution de ce personnage.


Isabelle Pandazopoulos a donné vie a une héroïne bouleversante. Louise vit une situation exceptionnelle, au sens propre du terme, mais elle était doté d'une personnalité particulière, que l'auteur nous dévoile par touches, subtilement. Elle situe son héroïne dans un milieu parisien favorisé. Louise a des parents attentifs, un petit frère qu'elle adore. Elle est d'une "beauté saisissante", blonde aux cheveux longs, grands yeux bleus, bouche charnue. Elle est aussi la meilleure élève de l'établissement et douée en violon. Louise est celle que les filles jalousent, admirent. Celle qui fait rêver les enfants. Celle qui fait la fierté de ses parents. La fille "parfaite" mais qui n'en peut plus de cette perfection qu'on lui prête. Le rapport qu'elle entretient avec son violon est le symbole de sa souffrance. Les pages dédiées à cet instrument sont d'ailleurs parmi les plus belles du roman. Elle souffre aussi du sentiment d'être aimée pour l'image qu'elle renvoie, et non pour ce qu'elle est.
Isabelle Pandazopoulos signe un livre magnifique, tant dans son écriture que sur le fond. Un livre subtil, intelligent qui dévoile une grande sensibilité et humanité. L'auteur travaille depuis vingt ans avec des adolescents en grande difficulté.

(chroniqué par Audrey)

La décision, d'Isabelle Pandazopoulos, (Scripto, Gallimard), 10 euros, parution le 31 janvier.





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