dimanche 20 janvier 2013

de grandes espérances (2)




De grandes espérances n'est certainement pas le roman le plus célèbre de Dickens. Mais on y retrouve tout son univers dès les premières pages. Un jeune orphelin prénommé Pip, au milieu d'un cimetière la nuit, alors que le vent venu des marais souffle sur la campagne anglaise. Un forçat surgi de l'obscurité, les fers aux pieds, qui profère des menaces pour obtenir de la nourriture et une lime. Deux destins qui se nouent en quelques instants.
Pip vit chez sa tante acariâtre, qui ne sait s'adresser à lui autrement qu'en lui faisant des reproches. Il observe le monde des adultes, tableau de personnages qui oscillent entre la bêtise, la mesquinerie et le ridicule. Heureusement il y a Joe le forgeron, le mari de sa tante, le seul à ne pas se prendre pour ce qu'il n'est pas. Il ne sait pas lire mais possède une intelligence de la vie que les autres n'ont pas.  Il y a aussi Biddy et ses grands yeux qui  apprend à lire aux enfants du village  et vient s'installer à la forge. Pip doit succéder à Joe et commence à apprendre le beau métier de forgeron. 


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Jusqu'au jour où un avocat venu de Londres annonce à Pip qu'un mystérieux bienfaiteur lui lègue une fortune et demande à ce qu'il aille vivre dans la grande ville pour recevoir "l'éducation d'un jeune homme qui a de grandes espérances". Nous suivons alors Pip de l'adolescence à l'âge de jeune adulte se débattre dans une existence dont il ne maîtrise rien, dont les fils sont tirés par cette personne mystérieuse qui semble vouloir élargir son horizon. Est-ce Miss Havisham, cette étonnante vieille dame qui vit recluse dans une demeure sinistre, dans le noir, habillée de la robe de mariée qu'elle portait le jour où son fiancé s'est enfui ? Elle avait pris l'habitude de faire venir Pip, pour qu'il pousse sa chaise roulante et lui chante des chansons. Elle lui a également faite rencontrer sa fille adoptive, la belle Estella, dont Pip est évidemment tombé amoureux. 
De grandes espérances est un roman d'apprentissage. Pip ne sait pas si cette fortune qui lui tombe dessus le libère ou bien au contraire l'emprisonne dans une vie qui n'est pas la sienne. Ces grandes espérances ne le détournent-elles pas de ce qu'il est vraiment ? Ne le poussent-elles pas à oublier ceux qui l'aiment, Joe et Biddy, qui comprennent tout mais ne disent rien ? Est-ce que la fortune doit nécessairement le conduire à les mépriser ? Dans ce roman écrit à la première personne, Pipp se demande ce qu'il espère vraiment, s'il est bien sur le chemin du bonheur. Il se débat avec ses égoïsmes et ses idées coupables, aspire à être meilleur tout en cédant aux tentations. Cela s'appelle grandir. 

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Précisons enfin que le roman vaut davantage pour ses portraits, ses personnages, l'analyse de l'évolution de son narrateur, que pour son souffle et son intrigue. Le jeune lecteur doit donc accepter une lecture qui n'est pas difficile mais qui ne le porte pas pour autant. Mais les superbes illustrations de Philippe Dumas, à l'encre de chine et à la pastelle l'accompagnent tout au long du texte. Elles le ponctuent dans les marges ou bien prennent tout une page. Elles ne "se rajoutent" pas au texte mais participent complètement à la création de l'atmosphère mélancolique de l'oeuvre. Qu'il représente la campagne anglaise et son ciel mouvant ou les habits à la mode de l'Angleterre victorienne, Philippe Dumas le fait à sa manière, confronte son univers et son art à celui de Dickens. 
Marie-Aude Murail et Philippe Dumas prouvent qu'adapter et illustrer avec talent peuvent servir à faire entrer une oeuvre classique dans les chambres d'enfants.

De Grandes espérances de Charles Dickens, adapté par Marie-Aude Murail et illustré par Philippe Dumas, L'école des loisirs, novembre 2012, 24,80 €. 

 (lu et chroniqué par yann)

1 commentaire:

  1. en tout cas en tant qu'adulte, il me donne envie à moi. il est posé sur ma table de chevet et attend son heure.

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