jeudi 14 octobre 2010

dans la cuisine d'Alice de Poncheville

alice de poncheville

Rencontre un matin, à 9h30, dans la cuisine d'une chaleureuse maison parisienne, autour d'un café. Chez Alice de Poncheville, il y a de la couleur, du rouge surtout, des tableaux sur les murs, des coussins, de grandes fleurs (rouges encore, celui de la couverture du Don d'Adèle… et ce n'est pas un détail : les deux immenses bouquets de fleurs ont tous les deux une jolie histoire), des livres et des journaux…
Alice de Poncheville est une très jolie femme, gracile, au visage doux, aux yeux qui pétillent et aux propos plein d'intelligence. Elle a travaillé à la télé, dans le cinéma et préparé un CAP de menuiserie. Mais depuis qu'elle a commencé  à écrire des livres, elle ne s'est plus arrêtée…

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*Comment cette idée d'une jeune fille qui lit dans les pensées vous est-elle venue?

C'est un vieux fantasme. C'est un don comme peuvent en avoir les super-héros. Enfant, je rêvais de pouvoir faire rétrécir les choses pour emmener ma maison dans une valise…
Cette idée de lire dans les pensées à avoir avec le fait d'écrire des histoires. On passe notre temps à entrer dans la tête des gens.

J'ai écrit ce roman en deux fois. J'ai d'abord eu l'idée de ce personnage qui lisait dans les esprits et de l'accident de roller. Puis j'ai écrit ce qui est devenu la fin du roman. Mais au bout d'une cinquantaine de pages, j'ai été bloquée. Le texte a donc reposé pendant un an. Je l'ai repris et j'ai alors compris que j'avais écrit le début et la fin. Je fais confiance à mon inconscient : si j'ai eu cette idée de départ, c'est qu'il a quelque chose derrière…C'est à ce moment là qu'est née Prudence. Mais elle ne pouvait pas être l'amie parfaite. Il lui fallait un paquet de problèmes à résoudre. M'est revenu en tête un fait divers datant de plusieurs années et qui m'avait fascinée à l'époque. J'avais suivi l'histoire : des incendies spontanés se déclenchaient dans un village. Un jour, pendant un reportage télé consacré à ce sujet, j'ai aperçu un type sur l'image, derrière. J'ai dit à mon mari : "c'est lui". Et effectivement, quand ils ont arrêté le responsable des incendies, c'était bien lui… J'ai repensé à tout ça et le lien s'est fait avec l'idée de lire dans les pensées.
*Il est aussi question de la quête des origines…
Oui. C'est un thème que j'avais déjà abordé. La quête des origines, c'est la première grande affaire humaine. Il faut faire le tri dans sa famille, mener l'enquête. C'est le premier boulot qu'on doit opérer pour se construire et démarrer quelque chose. C'est un travail essentiel et ceux qui ne le font pas se le traînent toute leur vie. Très souvent, mes héros font ce tri et cela leur permet de démarrer leur existence. Ils trouvent en même temps ce qui les intéresse et ce vers quoi ils veulent avancer.
*Adèle et Prudence, vos deux héroïnes sont-elles totalement fictives?
Oui. Mais ce roman est dédiée à Constance et il y a une similitude entre les prénoms : Alice/Adèle et Constance/Prudence…J'ai eu une amie, Constance, rencontrée à la maternelle. Cette histoire n'est pas une retranscription de cette amitié, mais un hommage à mon amie. Je me suis souvenue de l'énergie de cette relation qui m'a énormément soutenue. Souvent, les histoires d'amitié font balancier avec une famille défaillante, même si elle est aimante.
*On ignore l'âge d'Adèle et Prudence. On ne sait pas trop si elles sont au collège ou bien au lycée. Pourquoi?
Je n'avais pas envie de donner trop de clés. J'aime laisser de la marge. Quand les choses sont trop déterminées, cela me bloque! Et puis, par moment elles ont 10 ans, à d'autres elles sont très vieilles. Nous ne sommes pas déterminés par notre âge, pas plus que par notre sexe ou notre condition sociale.
*Adèle et Prudence ont toutes les deux des fragilités liées à leur famille (le papa d'Adèle est mort et la maman de Prudence est partie très loin…), mais sont entourées d'adultes bienveillants.
Oui. J'aime bien que les adultes existent. Avec leurs qualités et leurs défauts, avec de la folie et des caractères bien tranchés. Les histoires des adolescents ne sont pas "en dehors". On est tous reliés les uns aux autres.
*Et tous les personnages sont plutôt sympathiques…
Il n'y a pas de "méchants". La vie se charge de jouer ce rôle. Tous les personnages ont leurs obstacles et leurs difficultés mais elles sont intérieures. Ils doivent comprendre et dépasser quelque chose pour s'en sortir. J'aime bien quand les problèmes naissent des mauvais raisonnements que l'on peut faire et dont il faut se débarrasser. Et il faut que le personnage évolue. Dans Le don d'Adèle, on sent à partir de la moitié du livre, qu'elle grandit.
*La fin de votre roman est optimiste et plein d'espoir…
J'aurais beaucoup de mal à faire que cela se termine mal. Si j'écris une histoire, il faut que ça marche, que mes personnages s'en sortent. J'ai envie de les emmener vers la lumière.
* Que lisiez-vous lorsque vous étiez enfant?
Les soœurs Brönté, Dostoïveski… Plutôt du lourd et des classiques. Je ne comprenais pas tout, mais j'aimais les univers où ça allait loin…Adolescente, j'ai lu beaucoup de contes. D'ailleurs, je pense que Le Don d'Adèle à avoir avec le conte.
*Pourquoi ?
Dans ce roman, il y a un sentiment religieux diffus, beaucoup de choses autour de la croyance. "À quoi croit-on?"… Pour avancer, il faut croire que "ça" a du sens. Il faut qu'Adèle croit à son don, qu'elle en fasse quelque chose. Dans le village de sa tante, les gens lui demandent ce qu'elle va en faire… Elle sait qu'ils savent. Là, on est dans le conte. Et le personnage de la vieille femme est clairement une sorcière.
* C'était important de sortir vos personnages de Paris à un moment du livre?
J'adore Paris mais je ne me sens pas Parisienne. J'emmène mes personnages ailleurs car ailleurs, c'est l'aventure. La ville n'est pas propice aux aventures. Comme dans les contes, il faut qu'il y ait une forêt pas loin. Et qu'il y ait un mouvement, un changement de lieu…

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*Qu'avez-vous fait avant de vous consacrer à l'écriture?
J'ai travaillé un peu dans le cinéma, un peu à la télé. J'ai commencé à écrire en 2001 et mon premier livre est paru l'année suivante. Je n'ai plus arrêté. J'avais dépassé la trentaine. Avant, je n'avais jamais osé.
*Comment avez-vous franchi le pas?
J'avais écrit des courts-métrages, travaillé sur un long que mon mari a réalisé. J'ai également écrit un long-métrage que je voulais réaliser moi-même. Mais j'étais trop fébrile et stressée. J'ai fait lire mon scénario autour de moi et on m'a dit que cela ressemblait à un livre. Arnaud Cathrine l'a passé à Geneviève Brisac. Elle m'a encouragée à écrire…Des ailes me sont alors poussé. Je m'y suis mise et j'ai écrit mon premier livre. Cela a été une révélation. C'est comme si j'avais toujours attendu ce moment.
*Quels sont vos autres passions, centres d'intérêt?
J'aime écouter les gens qui savent. Pas ceux qui pensent savoir, ceux qui savent vraiment. J'aime bouquiner.Et j'aime faire des choses manuelles.Et écrire, évidemment. Voilà la vie idéale.
*Comment vivez-vous le travail d'écriture?
C'est un grand voyage. On entre dans un monde, on est en conversation avec ses personnages. On est dans la retranscription de ce monde intérieur, dans un flux de pensée.Quand j'écris un livre, le monde qui est dans ma tête me protège du reste. Il y a ce truc qui avance. C'est ma maison. C'est un sentiment que je ressens de plus en plus. Il y a des livres qu'on a envie de finir. Pas Le don d'Adèle. Je n'étais pas pressée.
*En littérature jeunesse, quels sont vos auteurs, vos livres de prédilection?
(elle monte les escaliers et revient les bras chargés de livres. Alors, en vrac…:)
Nanouk et moi, de Florence Seyvos que j'ai trouvé remarquable.
Les contes de Christian Oster pour les plus petits.
Grignotin et Mentalo, de Delphine Bournay.
Agnès Desarthe, bien sûr.
Mathilde met son grain de sel, de Sophie Chérer.
Martin Page. Le club des inadaptés, Une parfaite journée parfaite.
Pour les petits, Elisabeth Motsch.
Et le génial Petite feuille Nénèste, d'Anne Bouin. C'est l'histoire d'une gamine dans un pensionnat en Russie. On lui donne un livre et elle va apprendre plein de choses sur ses origines.

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